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Faut-il se fier aux modèles de réchauffement

climatiques ?

 

                     gilles.hunault "at" univ-angers.fr

 

1. Réflexions sur le titre de cette conférence

1.1 Jouer sur les mots du titre pour éviter de discuter

Le titre de cette conférence est porté par la volonté de discourir sur la science. Dans une revue de géophysique, ou de statistique (avec ou sans S en fin ?), c'est-à-dire si la conférence avait été un article confiné à son domaine de spécialité, prévu et adressé à des spécialistes, son titre aurait été sans doute seulement l'un des suivants :

Un modèle de réchauffement climatique

Un modèle de changement climatique

Changement climatique : un nouveau modèle

Réchauffement climatique : un nouveau modèle

Pas de doute alors sur le modèle ou les modèles, ils existent -- justes ou pas --, on les présente, on les expose, et la question de la foi ou de la confiance (se fier à) ne se pose même pas : on y croit. Et si la conclusion de l'article peut se révéler générale, écologique, alarmiste ou rassurante, elle reste un élément à la marge. Car il est d'usage en science "plus ou moins dure" de rester dans son domaine contextuel.

Prendre du recul sur les modèles, poser la question de leur validité débouche sur une prise de position que le titre révèle plus ou moins directement. Songez un instant au doute raisonnable induit par le titre :

 

Faut-il se méfier des modèles de réchauffement climatiques ?

 

Le titre, qui était positif via «se fier» devient soudain plus négatif, voire polémique avec «se méfier».

La diversité du langage permet le jeu suivant : à partir de Faut-il / Faudrait-il Peut-on / Doit-on, de se fier / se méfier, de changement / réchauffement, et de climatique / climatiques, vous pouvez construire de nombreux énoncés à l'aide des listes de sélection ci-dessous :

     Composez votre titre de conférence :

                       

Mais qu'induit exactement chaque titre possible ? Que livre-t-il de la volonté de son auteur ? Comment choisir parmi la longue liste des titres possibles ? Afficher cette liste...

1.2 Ce S qui change tout -- ou pas ?

Le même jeu des combinaisons langagières peut se continuer avec le S de fin. S'agit-il de modéles climatiques de réchauffement incorrectement (sans doute volontairement) écrit modéles de réchauffement climatiques ou de modéles de réchauffement climatique ? En d'autres termes, les modèles sont-ils climatiques ? Ou est-ce le réchauffement qui l'est ? A vouloir discuter de cela, on s'éloigne (subtilement et sans doute volontairement) du problème initial, parlant de la forme et non du fond, qui est, rappelons-le de savoir s'il s'agit d'un «changement "normal"» ou de «réchauffement "anormal" anthropogénique» ?

D'ailleurs les modèles sont-ils vraiment climatiques ? Ou mathématiques, statistiques, physiques ou géophysiques ? On voit ici tout l'art de tourner autour du sujet grâce au discours sur sans jamais vraiment aborder le sujet...

Après ces quelques remarques autour du sujet, entrons dans le vif, ou plutôt dans le chaud -- ou pas.

Nous allons donc essayer de nous focaliser sur le point suivant : le simple citoyen a-t-il moyen de discuter des modèles ? Ou doit-il se contenter de sa confiance (ou de sa méfiance) en ces même modèles ?

2. Discutons enfin

2.1 Qu'est-ce qu'un modèle ?

Tout d'abord, comme en science, essayons de définir les objets dont on parle. Un modèle est quelque chose de très technique. Et pourtant, chacun de nous sait au fond ce qu'est un modèle. C'est une vision limitée, paramétrée de «LA» réalité. Un modèle est par construction imparfait, il est souvent validé à partir de données exactes sur les années passées, mais qui peut garantir sa validité pour les années futures "toutes choses étant égales par ailleurs" selon l'expression consacrée ?

En tant que statisticien et informaticien, je ne peux que confirmer les affirmations suivantes qui disent presque tout (pour les scientifiques du domaine) et quasiment rien (si vous ne comprenez pas ce que signifient les termes techniques) :

Les conséquences de ces précisions sont que seuls des spécialistes (des mathématiques, du climat...) peuvent discuter des modèles. Le grand public, lui, doit se contenter de discuter des conclusions auxquelles elles aboutissent. Et pourtant...

2.2 Peut-on contester un modèle ?

La réponse est : OUI, même si on n'a pas de thèse de géophysique ou une médaille du CNRS. Car un modèle peut être détourné, utilisé abusivement. Ou il peut ne pas être exact pour prédire le futur.

Prenons un premier exemple simple qui permet de voir comment on peut mettre en doute un modèle. Les modèles de production et de consommation de charbon ont été valides très longtemps. Tant qu'on n'utilisait pas le pétrole, c'est-à-dire tant qu'on n'utilisait pas de nouvelles variables, ce modèle restait «vrai». Mais il est bien sûr faux aujourd'hui en 2012. Dans le même ordre d'idées, si vous roulez sur l'autoroute, vous pouvez prédire la distance parcourue et votre consommation d'essence au bout d'une heure, de deux heures. Mais quel sens cela aurait-il de vouloir prédire votre consommation d'essence sur 50 jours à rouler sur l'autoroute dans les mêmes conditions ? Comme si on pouvait rouler pendant 50 jours et 50 nuits sans s'arrêter pour manger ou pour dormir...

Voici un deuxième exemple avec une vraie courbe et une fausse interprétation. On trouvera ci-dessous l'une des courbes qui a jeté le trouble dans l'esprit de nombreuses personnes, sans doute parce qu'elle a fait partie -- modifée - du livre contesté de C. Allègre :

grudd2008.png

Qu'y voit-on ? Qu'en l'an 1000 les anomalies climatiques étaient plus importantes qu'aujourd'hui (an 2000) et que ce qu'on en pensait auparavant. Ce qui permet (permettrait ?) de conclure -- mais Grudd ne s'aventure pas sur ce terrain et reste sur son sujet scientifique d'étude -- que le C02 et l'activité humaine (ou plutôt anthropique) ne sont pas si importants que cela, qu'il ne faut pas s'inquiéter outre mesure...

Mais est-ce bien vrai ? Et pourquoi y a-t-il trois courbes, en rouge, en bleu et en pointillés noirs ?

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il ne s'agit pas d'une vraie courbe de températures mesurées (on ne consignait pas les températures en degrés Celsius en l'an 500, ni même en l'an 1000) mais d'une reconstruction. L'article très sérieux de Håkan Gruddd dont la courbe est extraite date de 2008 (on le trouve ici sur Internet et en copie locale). Il traite de... cernes d'arbres du nord de la Suède. C'est une courbe strictement locale qui ne reflète pas la température globale du monde, et qui de plus s'arrête à l'an 2000 (voir la manipulation d'Allègre expliquée ici avec un extrait des propos de Grudd sur cette manipulation).

Mais, me direz-vous, comment un cerne d'arbre permet-il de reconstruire les températures ? A l'aide de la dendrochronologie, bien sûr ! Les cernes ou anneaux de croissance sont liés aux changements climatiques. Donc analyser la croissance des cernes permet d'analyser les changements climatiques.

Que peut-on en conclure ?

Que C. Allègre a "triché", bien sûr. Mais cela n'implique pas pour autant que tout ce qu'il dit est faux, et que nous allons mourir brulés et étouffés dans moins de 20 ans. Car contester un modèle, voire démontrer qu'un modèle est faux ou qu'il ne s'applique pas ne remet pas forcément en question tous les autres...

Sur le site skepticalscience on trouvera de nombreux mythes et croyances liés au réchauffement... et des arguments pour les combattre.

2.3 Que veut-on dire par «corrélation n'est pas causalité» ?

Si on rentre dans les détails d'un certain nombre de modèles, on constate qu'il y a de nombreux phénomènes qui varient ensemble, comme ci-dessous la corrélation très nette entre la température (sans doute du globe) et la durée des cycles solaires ou entre l'extension des glaces et la durée des cycles solaires :

 

vinje1.jpg

 

vinje2.jpg

On pourra à ce sujet consulter la très longue page, très technique mais très intéressante page nommée deux théories du réchauffement mais qui n'est peut-être pas impartiale...

Mettre en évidence des corrélations, c'est-à-dire des co-relations, des fonctionnements communs, comme les deux courbes de deux phénomènes a souvent pour but de démontrer qu'on sait relier la cause à l'effet. A l'aide des deux courbes précédentes, on peut sans doute montrer que l'effet de serre n'est peut-être pas le seul responsable ou le responsable principal du réchauffement actuel ou le plus important, et que le soleil y prend une part active.

Mais en aucun cas que le réchauffement actuel n'est pathogène pour la planète car cela est en-dehors du champ de cette causalité. Ce qui n'a pas empêché plus de 30 000 scientifiques (trente mille) dont 9 000 (neuf mille) avec une thèse (PhD) de signer depuis le début des années 2000 une pétition, disponible sur le site http://petitionproject.org/ pour affirmer que There is no convincing scientific evidence that human release of carbon dioxide[...] will, in the forseeable future, cause catastrophic heating of the Earth's atmospher and disruption of the Earth's climate (Il n'y a aucune preuve scientifique convaincante que l'apport humain de dioxyde de carbone[...] viendra causer, dans un futur prévisible, un échauffement catastrophique de l'atmosphère terrestre[...].

Un tel argument d'authorité (le «ch'suis pas un imbécile puisque ch'suis douanier» de Fernand Raynaud) est inquiétant. Sans compter que certains signataires semblent pour le moins "curieux". S'il suffit d'une thèse pour tout savoir sur tout, et pour avoir raison sur tout, le monde est plein d'omniscients...

D'ailleurs, si on regarde attentivement les deux courbes, au lieu d'être rassuré(e), il faut sans doute s'inquiéter car les courbes semblent se séparer à partir de l'an 2000...

3. Que peut-on en conclure ?

Il y a de nombreux partisans des deux thèses, avec évidemment, beaucoup d'argent à la clé, ce qui fausse grandement les débats et surtout les actions à mener. La théorie de la désinformation et les arguments d'autorité semblent se multiplier à l'infini. Pourtant, aucun scientifique aujourd'hui ne semble constester que nous sommes dans une période de réchauffement. Les avis divergent seulement sur les causes, humaines ou pas, et sur les conséquences, graves ou pas de ce réchauffement, sur le fait que les activités humaines aggravent ou non ce réchauffement, que la «catastrophe» est pour bientôt ou non...

Il nous semble que le principe d'humilité et que le principe de précaution devraient avoir droit de cité dans ces discussions. Les échelles de temps et de lieu impliquées, le nombre de variables impliquées dans les modèles méritent une plus grande attention. Nos connaissances sur le climat, les interactions entre les divers phénomènes mis en jeu ne sont ni complètes ni globales. Si les mathématiques pures permettent de démontrer des théorèmes, et c'est là «LA» vérité, pure, infinie, hors du temps, alors que les modèles climatiques, physiques, statistiques ne fournissent que des approximations, des encadrements, avec des hypothèses plus ou moins vérifiables, des simplifications plus ou moins réalistes, des initialisations ou des calculs de coefficients difficiles à justifier...

Dans le même genre d'idées, en ces temps d'élection nationale (avril 2012), si au lieu de se perdre en conjectures au vu d'une estimation ponctuelle (une seule valeur, comme 20 % d'intentions de vote), on fournissait une estimation par intervalle et donc une plage de valeurs comme de 17 % à 23 % , on aurait une meilleure représentation de la situation avec une relativisation des valeurs, ce qui induirait alors sans doute un peu plus de modestie. La Science sans son piédestal redeviendrait alors la science et les modèles, ce qu'ils ont toujours été, des modèles, et non pas l'expression d'une vérité intangible et décodée.

Donc pour conclure, je dirais qu'on peut se fier aux modèles, mais avec beaucoup de prudence, et en les prenant seulement pour ce qu'ils sont, des modèles, c'est-à-dire une partie de la description de phénomènes, pas des oracles et en restant extrêmment sceptique, vigilant(e) sur ce qu'ils modélisent, sur une utilisation abusive hors contexte de leurs résultats ou sur leur extrapolation simpliste orientée. Par contre, je pense sincèrement qu'il faut plus se méfier des scientifiques que de leurs modèles, mais ceci est sans doute une autre débat.

Une attitude citoyenne et responsable est de lutter contre la production massive de CO2 car réchaufffement ou pas, CO2 et pollution sont corrélés. On peut mourir et détruire la planète à cause de la pollution, qu'il fasse chaud ou froid...

 

(gH) La Rochelle, avril 2012.

 

 

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